Sud Conseil Nord

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Ganiou SOGLO sort de son mutisme: « Je n’ai aucune leçon à recevoir en matière de courage et de loyauté… »

 

Depuis quelques jours, Ganiou Soglo, lancien ministre du Président Yayi, va à la rencontre des populations. On le voit dans des quartiers en réunion avec les jeunes. Et déjà, certains détracteurs pensent que lenfant terrible du Président-Maire Nicéphore Dieudonné Soglo est en campagne pour les élections municipales. Interrogé, Ganiou Soglo, toujours droit dans ses bottes, sest préoccupé à nos questions.
 

Le Confrère de la Matinée : Monsieur le Ministre, qu’est-ce qui explique vos nombreux contacts avec les populations ces derniers jours ?

 

Ganiou SOGLO : La foi et l’espérance en des lendemains meilleurs. Je ne peux comprendre que la jeunesse soit déboussolée, ne puisse plus croire en grand’ chose et se dise finalement : tous ces politiciens, c’est même pipe, même tabac ; ou encore tout simplement : ce sont tous des menteurs, ils sont tous pourris. Mais l’homme politique que je suis, a le devoir d’aller a leur rencontre, de les écouter et d’échanger avec eux. Je l’ai toujours fait et je continuerai à le faire tant que la foi m’habitera.

 

N’êtes vous pas entrain de préparer les élections municipales ?

 

En toute franchise, ces élections ne sont pas mon combat. Je ne compte pas y participer personnellement et briguer un poste de conseiller municipal. Il y a d’autres enjeux plus importants à mes yeux, même si  je crois que le choix de bonnes personnes ancrées dans leur environnement est crucial pour établir une relation et un lien entre le citoyen et l’élu. Les législatives de 2015 et les présidentielles de 2016, voila les combats que je compte réellement  mener. J’ai si souvent entendu dire par nos concitoyens : les politiciens ne viennent nous voir qu’en période électorale et après, on ne les voit plus. Eh bien moi, on m’a vu au cours des dernières campagnes présidentielles de 2011. Me voir aujourd’hui au contact des populations, en discussions par petits groupes, est cette promesse que je m’étais faite et aussi à eux de ne pas rompre ce lien entre le citoyen et l’homme politique que je suis.

 

Les élections législatives et présidentielles sont donc vos grands enjeux, mais qu’essayez vous d’apporter concrètement aux jeunes dans le cadre de ces échanges ?

 

Vous savez, quand je suis rentré dans les années 90, dans mes occupations d’import export liées au secteur de l’ananas, un paysan d’Allada a eu à me dire ceci : on ne dit pas à un Béninois qu’il est bête, on lui dit qu’il se comporte comme s’il était bête. A ce titre, j’ai le devoir de rappeler aux jeunes que l’action publique peut et doit avoir, à court terme, un impact sur leur quotidien. J’ai été député et ministre. Dans ces deux fonctions, j’ai eu à proposer une loi sur la défiscalisation du sport et de la culture. Ces deux secteurs sont les plus pratiqués par nos jeunes populations. Des pays en ont fait le fer de lance de leur développement. Cela a eu pour impact de créer des millions d’emplois et de faire gagner des revenus importants aux entreprises qui travaillent dans ces deux secteurs.

Regardez ce que le sport, et le football en particulier, génèrent comme revenus dans le monde.  C’est colossal. Il en est de même dans le secteur de la culture. Hollywood, Bollywood, et plus près de nous au Nigeria, Nollywood. Les séries brésiliennes que nous regardons le soir sur nos écrans génèrent des milliers d’emplois et de revenus. Le Maroc a axé son développement autour de certains axes que sont l’agriculture, la culture, l’éducation et les services. Mais je ne saurais être exhaustif.

Il me semble primordial de rappeler donc aux jeunes que ces lois ne sont toujours pas votées par l’exécutif et le législatif. Et pourtant, j’ai remis à la présidente de la RB d’alors, ces documents.  Elle les a remis au Président Nago, et en a discuté avec les députés RB. J’ai moi-même vu le Président Nago avec mes collaborateurs d’alors. J’ai rencontré le Premier ministre actuel Mr Koupaki en attirant son attention sur le fait que le gouvernement pouvait alors introduire un projet de loi dans ce sens. Cela fait maintenant près de dix ans que j’en parle, si je dois inclure mon passage a l’assemblée nationale de 2003 à 2007. J’attire l’attention des jeunes, en leur disant que c’est aussi ça le rôle d‘un homme politique.  Il y a des différences entre les politiciens, les hommes d’affaires et les hommes politiques, même si leurs activités peuvent se rejoindre quelques fois. Mais pour moi, l’homme politique doit d’abord penser à l’intérêt collectif. Ces deux lois touchent l’intérêt collectif. Pourtant, j’entends nombre de jeunes dire de certains de nos gouvernants ou certains de nos députés que ceux-ci aiment la jeunesse. Je me demande bien en quoi faisant ? En donnant quelques ballons, maillots, en organisant quelques tournois de football, ou quelques concerts>

Mais il faut plus, pour organiser une filière et créer une dynamique de développement.

 

Dans cette loi, il est aussi et surtout question du rôle du sport et de la musique a l’école publique. Finalement, après tant d’années, tant d’explications, de rencontres, de messages, je me demande si ce paysan avait tort ou raison. Les jeunes sont- ils bêtes ou se comportent t-ils comme s’ils étaient bêtes ? Je crois qu’ils ne sont ni l’un, ni l’autre, mais ce que je sais, c’est que ma vocation est d’aller leur parler et leur dire que leur avenir est entre leurs mains.

 

A  vous écouter, on a le sentiment que vous êtes habité par quelque chose ?

 

Je n’aime pas l’injustice. Il est vrai que nous ne naissons pas tous égaux ; mais le rôle de l’Etat est de faire en sorte que le maximum de personnes ait le droit d’avoir sa chance. C’est le rôle de l’école en promouvant en son sein l’excellence. L’Etat devant y contribuer. Trouvez-vous normal que l’on demande a des jeunes sortant de l’université ou rentrant dans la vie active, un an de caution, voire deux ans de caution, pour occuper un logement ? Sans compter les cautions pour les compteurs d’eau et d’électricité ? Mais ils ne peuvent pas en sortir et sont contraints, pour les filles, à la quasi prostitution et pour les garçons, à la mendicité et a la corruption. Une loi bien pensée pourrait ramener ces cautions à trois mois. Cela aurait un impact immédiat sur le bien-être de nos jeunes populations.

 

Pourquoi au cours de ces échanges, on ne voit pas autant de jeunes femmes?

 

C’est vrai que je me pose la question. Les femmes en politique, pour moi, c’est du volontarisme, de l’engagement et de l’honnêteté. Je me demande continuellement  à ceux qui nous demandent de venir échanger avec eux, qu’il y ait autant de jeunes garçons que de filles. Qu’elles soient instruites ou pas. Car la première des choses que je leur dirais est que l’Etat n’est pas allé aussi loin qu’il le pouvait pour elles. En effet, comment comprendre que quand l’Etat débloquait 40 ou 50 milliards à la micro finance, le ministère de l’alphabétisation n’en recueillait que 300 millions à tout casser pour sa politique ? J’ai été le premier, lors d’une réunion avec la Ministre Madougou Yedo, à dire qu’il existait une forte corrélation entre la micro finance et l’alphabétisation et entre l’alphabétisation et la santé. Comment voulez-vous en effet, que les jeunes filles ou leurs mères puissent réellement rembourser les crédits alloués quand elles ne savent ni lire, ni écrire, ni compter dans leurs langues usuelles ? Comment voulez-vous que les politiques de lutte contre le sida, le paludisme et autres maladies puissent être efficaces quand les femmes n’arrivent pas à lire les instructions dans leurs langues d’origine ? Regardez ce qu’a donné la politique d’arabisation dans les pays d’Afrique du Nord. Un succès. Regardez les programmes d’alphabétisation qu’ont mis en place les présidents Compaoré au Burkina Faso et Chavez au Venezuela. Plus les populations possèdent réellement leurs langues d’origine, plus la connaissance de l’anglais et du français sont aisés. Au Burkina Faso, ils ont un ministère de l’éducation nationale  et un ministère délégué à l’alphabétisation d’un budget de près de 07  milliards de Francs. Vous comprenez facilement pourquoi ce pays sahélien nous vend aujourd’hui tomates, oignons, haricots et j’en passe. C’est tout cela que je veux partager avec les jeunes filles. Leur dire que quelque part, certaines élites ne veulent pas qu’elles émergent. Il est tellement plus facile d’endoctriner une population analphabète.

 

La question de l’emploi reste la principale préoccupation des jeunes, eux qui pour la plupart sont au chômage depuis de nombreuses années. Que leur dites- vous alors ?

 

L’Etat doit totalement et en profondeur revoir son rapport avec le secteur privé. Définir un cadre rigoureux et exigeant entre les partenaires que sont le Patronat, la Chambre de commerce et les Syndicats. Comment voulez-vous résorber le problème de l’emploi des jeunes quand on a le sentiment que c’est l’Etat qui crée les emplois ? Mais c’est faux. L’Etat est un facilitateur et doit s’appuyer sur le secteur privé pour créer des emplois. Cela va des grandes entreprises aux plus  petites. Réussir en profondeur la fiscalité des entreprises. Combien de jeunes n’ont pas créé un commerce et ont du fermer au bout de quelques mois ? Ils n’ont même pas encore gagné 100 FCFA  quand ils voient les impôts, les patentes et j’en passe leur tomber dessus. Quand j’étais au gouvernement, le chef de l’Etat avait axé sa politique économique sur la consommation. En effet, pour atténuer les chocs des crises alimentaire, pétrolière et financière, l’Etat a subventionné certains de ces secteurs pour apporter un soulagement aux populations, sans oublier l’augmentation des salaires accordés aux fonctionnaires. Mais cela n’a pas répondu aux attentes escomptées surtout à moyen terme. Depuis la réélection du chef de l’Etat, je ne cesse de rappeler qu’il nous faut une politique d’aide à la production orientée vers le secteur  privé et le PME. J’ai parlé  énormément de cette loi américaine, le Small Business Act, qui a été reprise avec succès au Ghana, au Rwanda et même au Togo à coté. Créer des facilités aux PME et aux micros entreprises. Ce que l’Etat perd aujourd’hui, il le gagnera triplement quelques années plus tard. Certains pays de la sous-région ont fait le pari d’accorder une exemption de trois ou quatre ans aux entreprises. L’impact, c’est qu’elles embauchent plus de jeunes et qu’on les fait sortir de l’informel vers le formel. Cette dernière disposition protège aussi les salaries par les lois du travail accordées au secteur formel. Pour encore aller plus loin, je rappelle aux jeunes que cette loi n’a rien  de barbare. Le Small Business Act, au contraire, propose trois dispositions importantes. La première, l’Etat a l’obligation de réserver entre 25 et 35 pour cent des marchés publics aux PME. Deuxièmement, l’Etat garantit auprès des banques une caution ou garantie bancaire afin d’aider les PME dans leur essor. Troisièmement, l’Etat met à la disposition des PME des experts et conseils financiers et enfin donne une priorité aux grandes entreprises locales. On va me dire que je fais du protectionnisme. Si on veut oui, mais il faut faire comprendre aux jeunes que si nous consommons tout ce que nous importons de l’étranger, alors il n’y a aucun moyen de créer des emplois dans notre pays. Les Etats-Unis protègent certains secteurs de leur économie. Il en est de même pour le Brésil, la Chine et même maintenant l’Europe. Ce que vous devez demander aux entreprises étrangères qui voudraient répondre a un appel d’offres public, c’est avant tout un transfert de technologie. Il faut aussi qu’on apprenne leurs techniques pour pouvoir aussi demain, avancer par nos propres moyens. Nous avons  tout de même un grand marché à côté de nous, le Nigeria qui aura près de 200 millions d’habitants dans quelques années. Si on allie l’éducation  technique avec un transfert de technologie, une politique fiscale bien pensée et une politique agricole priorisant la sécurité alimentaire, alors les entreprises créeront des centaines d’emplois pour nos jeunes. Ici, il est question d’espoir.

 

Des rumeurs font état de ce que vous ne vivez plus au Bénin, et que vos sorties médiatiques seraient dues à de la rancœur, de l’ingratitude envers le chef de l’Etat. Qu’en dites-vous ?

 

Tout d’abord, ces rumeurs sont de même nature que celles de ma prétendue arrestation l’année dernière pour trafic de drogue. Je dois vraiment embêter certaines personnes pour qu’elles imaginent de tels scenarii. Mais je vous rassure, un proverbe dit : on est bien chez le roi, mais on est mieux chez soi. Je vis au Bénin, et compte pour le moment ne vivre ailleurs que chez moi. Maintenant,  aucune loi ne m’interdit de voyager quand je veux et aller ou je veux. J’ai été pendant quatre ans ministre de la République, là où on ne me donnait pas six mois de vie au sein du gouvernement du Président  Yayi Boni. Cela a été une riche et exaltante expérience. J’y ai acquis une expérience gouvernementale non négligeable. Rien ne m’interdit de donner mon point de vue sur la situation économique et politique de mon pays. Le contraire serait bizarre quand on m’a vu prendre des positions différentes de la RB quand j’étais au gouvernement. La position de l’actuel président  de la RB  et de celle du PRD ne rejoignent-elles pas les miennes quand j’étais au gouvernement ? Toutes ces histoires de rancœur et d’ingratitude sont relayées par des personnes qui, soit étaient des partisans de dernière heure, soit d’irréductibles opposants du Président de la République. Je n’ai aucune leçon à recevoir en matière de courage et de loyauté. Je reste avant tout un homme libre et pour le reste, comme le dit le dicton, les jaloux vont maigrir.

 Propos recueillis par

FSP



30/03/2013
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