Sud Conseil Nord

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LA TRADITION DES CONSCRITS

 

La seule forme qui subsiste, mais très fortement renouvelée, de la sociabilité traditionnelle des jeunes hommes est la fête des conscrits. Il n'existe pas de fête plus importante, dans la vie des villages d'une aire géographique allant de la Bourgogne du Sud jusqu'au Lyonnais, que cette fête des classes. C'est un moment très intense de participation à la vie collective. Autrefois réservée à la classe (d'âge) des conscrits, c'est-à-dire des jeunes hommes de vingt ans, elle s'est étendue maintenant aux autres décennies et réunit désormais plusieurs générations, couvrant le siècle (ou presque). 



En 1850, la France vivait encore sous le régime de la conscription. Les conscrits tiraient un numéro au sort pour savoir s'ils feraient ou non leur service militaire. Instant angoissant qui engageait sept ans de leur existence. Cette année-là, deux jeunes caladois mirent la fleur au fusil à leur manière. Ils s'en allaient tirer au sort. Par bravade et aussi pour rire un peu, ils se présentèrent devant les autorités militaires en smoking, un gibus sur la tête, ceint d'un ruban vert. La mode était lancée, la fête suivit. Il fallut pourtant patienter assez longtemps pour que la fête des conscrits prenne sa forme définitive. Elle a lieu à la fin de l'hiver ou au début du printemps, mais les réunions d'un comité d'organisation qui coordonne les activités des différentes classes la préparent longtemps à l'avance. 

Les vingt ans, qui sont à l'origine de cette tradition renouvelée, sont, bien entendu, au cœur de la fête. Pour financer la fête, les jeunes conscrits vont porter la cocarde chez les conscrites ; les parents de cette dernière la leur payent généralement largement. Cette tradition a survécu ainsi que celle de la vente de brioches. Durant les mois qui précèdent la fête, les conscrits ont le privilège de distribuer des brioches en fin de semaine. Elles sont aussi bien payées, ce qui leur permet de se faire un peu d'argent. L'évolution de la fête des classes se manifeste nettement sur d'autres points : augmentation de la durée de la fête, accroissement du nombre de participants, féminisation de la fête. La fête, aujourd'hui, dure trois jours ; autrefois elle avait lieu seulement le dimanche. 

 



Les jeunes conscrits se retrouvent le samedi pour avoir un avant goût de la fête qui a lieu le dimanche. Le lundi est marqué par le "retinton". En fait, au-delà de ces trois jours de fête, "le village vit à l'heure des conscrits pendant au moins un mois". Mais les témoignages sont unanimes pour dire que cette fête est en expansion continue. La prospérité que connaît la viticulture en Beaujolais expliquerait le nombre sans cesse accru des participants. Mais le changement le plus important réside dans la féminisation de cette fête

Suivons les conscrits au cours de la journée du dimanche. Après une messe à la mémoire des conscrits disparus, c'est la traditionnelle photo. Toutes les classes que différencie la couleur des chapeaux et des cocardes s'y retrouvent. Ensuite, chaque classe est photographiée séparément.


 

On organise alors le défilé où les classes, à la suite de la clique, de la fanfare et, le cas échéant, des majorettes parcourent les rues du village en faisant la vague. Ce tour du village, éventuellement ponctué d'arrêts aux buvettes improvisées, se termine devant le monument aux morts, où le président des classes dépose une gerbe dédiée aux conscrits décédés pendant les guerres. 
Puis c'est le banquet où les conscrits retrouvent leurs invités pour un interminable repas. La fête se conclut par le traditionnel bal. Bien entendu, chaque village possède ses propres variantes. La fête des conscrits est donc un véritable rituel qui permet de réassurer les liens des personnes d'une même génération, ainsi que, depuis l'extension de la fête aux décennies, les liens entre les générations. A cette occasion, on met provisoirement de côté les oppositions, les différents politiques, confessionnels ou de personnes.
Il s'agit, en somme, d'un temps limité, qui a pour fonction de réaffirmer l'existence d'une communauté villageoise et sa participation personnelle à cette communauté.



01/05/2013
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